Enquête sur le GHB et les piqûres en boîte de nuit : « c’est comme si je sortais de mon corps »

2 mai 2022 à 9h48 par Nicolas Georgeault

De plus en plus de cas de piqûres et de personnes droguées dans les bars, les concerts et les boîtes de nuits sont recensées en France. Nous avons recueilli le témoignage d'une jeune Ligérienne droguée en boîte de nuit.

Le récit de la soirée 

Ils sont un groupe d’une dizaine à sortir ce soir du samedi 2 avril. Mais elles ne sont que trois à se rendre dans la boîte de nuit roannaise le T Dansant. L’une des trois fait « SAM », celle qui ne boit pas.

« On est arrivé un peu après l’ouverture, vers 0h30, 0h45 raconte cette Ligérienne d'une vingtaine d'années. J’étais avec mes copines, on n’a pas bu tant que ça et au bout d’un moment on commence à se sentir pas trop bien, un peu dans le flou, pas trop bien comme si on était absente. Une de mes copines fait un malaise. J’ai appelé les pompiers pour que quelqu’un s’en occupe parce qu’elle était inconsciente. Après avoir appelé les pompiers, j’ai fait un malaise et quand je me suis réveillé j’étais à l’hôpital. »

Les sensations des victimes droguées sont variées : voiles noirs devant les yeux, des moments de flou ou encore des pertes de mémoire. Elle dit pour sa part avoir ressenti « une absence, comme si je sortais de mon corps, que physiquement j’étais là mais mentalement je n’étais pas là du tout. Lorsque j’ai fait mon malaise ma copine qui était en train de me gérer m’a dit "tu avais des propos super incohérents, tu disais des trucs qui n’avaient aucun sens." Vraiment la sensation de ne pas être dans son corps. » Le lendemain elle dit s’être réveillée « comme si je venais d’arriver. Un peu mal au ventre, un peu mal à la tête. »

Une soirée qui finit à l'hôpital

Le réveil se fait à l’hôpital, elle pense être arrivé là-bas sur les coups de quatre heures du matin lorsqu'elle se remémore la soirée. Des « tests urinaires et tests sanguins » sont réalisés. Ils révèlent la présence de GHB, la « drogue du violeur » connue pour sa capacité à soumettre chimiquement en anesthésiant les victimes.

Toutefois « on ne peut pas être sûr, tempère-t-elle. Il y en avait mais pour les médecins ce ne sont pas des quantités suffisantes » pour affirmer qu’elle a été droguée. Il est difficile de prouver la présence de cette drogue qui est indétectable dans l’organisme six heures après l’avoir ingérée. La drogue agit 15 à 20 minutes après l’avoir consommée et fait effet environ une heure.

Son amie aurait été piquée, elle « n’a pas vérifié » les traces de piqures pour sa part. Des examens pour vérifier qu’aucune maladie n’a été transmise, doivent encore être réalisées. Il arrive régulièrement que les piqûres soient porteuses de maladies et notamment du VIH. Des traitements anti-VIH peuvent être administrés dès l’arrivée à l’hôpital ce qui n’est pas été le cas pour cette jeune Ligérienne. Les urgences ne « savaient pas ce qu'il leur arrivait et si elles avaient d'autres traitements à côté.»

Elle souhaite déposer plainte

« Clairement ils n’ont rien fait » attaque-t-elle à propos de la boite de nuit roannaise, le T Dansant. « La seule chose qu’ils ont fait c’est de nous donner un plaid pour ne pas que ma copine, qui était déjà en hypothermie, prenne plus froid. »

Le gérant du T dansant, Jérôme Bonnefoy se souvient que cette dernière avait « des convulsions ». Il rejette toutefois l’hypothèse de la drogue : « on en a discuté avec les barmans après… Quand on se fait payer des verres et des verres, forcément à un moment… […] Il ne faut pas tout mettre sur le compte des cachets lorsqu’on fait n’importe quoi » assène-t-il.

« Je pense que s’ils n’y avaient pas eu tout ceux qui étaient là pour s’amuser à la base, je ne sais même pas si on aurait été emmené à l’hôpital. Ce qui m’a mise le plus en colère c’est que l’on a eu aucune assistance de la boîte » tempête de son côté la Ligérienne d’une vingtaine d’années qui précise avoir « porté plainte il y a deux semaines mais comme je n’avais pas encore mes résultats, ils préféraient attendre mes résultats pour finaliser la plainte. Comme j’ai reçu mes résultats, directement après mes examens je vais aller finaliser la plainte. »

Le parquet de Roanne n’a pour le moment été saisi d’aucune plainte de sa part. Deux plaintes ont officiellement été déposées, une jeune fille de 19 ans et un jeune homme d'une vingtaine d'années ont été piqués durant le week-end du 23 et 24 avril au T Dansant.

« Un sentiment d’insécurité »

Si au début elle admet avoir eu « du mal à réaliser » et « un peu banalisé » le fait d'avoir été droguée en se disant « de toute façon, ça arrive à tout le monde». Mais après en avoir « reparlé avec ma famille pendant les vacances et je me dis « pour une seule soirée, quelqu’un qui est piqué se retrouve avec le VIH à vie. »

C’est aujourd’hui un sentiment d’«insécurité » qui s’est développé : « je ne me sens plus trop en sécurité dans les boîtes, dans les bars ça va… Je ne sors plus trop. » Un peu plus tard dans la conversation elle ajoute : « sortir dans les boîtes, je suis un peu réticente mais je ne veux pas arrêter de vivre pour des gens malhonnêtes » même si elle est « déjà retourné » en discothèque.