Loire : "Le système de santé publique est à bout de souffle"
Publié : 11 mars 2025 à 6h12 par Amandine Rousset
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Le centre hospitalier du Forez est en déficit de 12 millions d’euros, les urgences du même hôpital ont fermé en 2023. Le CHU de Saint-Étienne, SOS Médecins et les EPHAD de la Loire sont aussi concernés par la crise que traverse le système de santé. Nous avons contacté tous les acteurs de la Loire pour dresser un bilan.
"Il faut qu’on réfléchisse réellement à l’hôpital de demain, au travail de demain. Aussi bien dans les hôpitaux que les EPHAD, ou les cliniques." Damien est aide-soignant à Saint-Galmier et il partage l’avis de ses collègues syndiqués. Pour eux, les dirigeants devraient se poser les bonnes questions et mettre en place des actions concrètes : "le système de santé publique est à bout de souffle."
Un système sous perfusion
Pour les syndicats, le plus gros problème, actuellement, n’est autre que les conditions de travail du personnel hospitalier. "On ne trouve plus personne qui souhaite sacrifier sa vie personnelle en étant rappelé à tout va, sur des week-ends ou des jours fériés. Certains préfèrent partir à l’usine plutôt que de rester dans le système de santé." Ils dénoncent également un management de culpabilité, des turnover trop fréquent et un système sous perfusion. "Tout ça met en danger la vie des patients."
Un manque de personnel aussi souligné par les directeurs d’hôpitaux comme Edmond Mackowiak, à la tête du CH du Forez.
"Les urgences de Feurs n’ont pas fermé sans raison en 2023. La loi RIST est parue et a décidé de fixer un plafond de rémunération des intérimaires. Donc, c’est là où vous vous apercevez que les urgences étaient déjà fragilisées par le fait que la moitié de l’équipe était des contractuels, soi-disant des contractuels qui étaient fidèles à l’établissement. Ils étaient surtout fidèles à leur rémunération. Donc à partir du moment où cette dernière a été réduite, du jour au lendemain, il n’y a plus eu personne."
A Saint-Étienne, Olivier Bossard, directeur du CHU, relativise : "le fait de dire que le système a des difficultés, oui. Des problèmes on en a, comme toute structure. Des tensions, des ressources, essentiellement des ressources humaines. Mais ça n’empêche pas le CHU d’assurer sa mission de soins."
12 millions de déficit
Si l’Hôpital Nord est au vert dans ses comptes, les finances du centre hospitalier du Forez, elles, sont dans le rouge. Le centre éponge un déficit de 12 millions d’euros.
"On demande, nous, beaucoup plus de moyens supplémentaires. Et aujourd’hui, on sent qu’on nous demande un effort, de faire des économies. Donc, là il y a déjà une contradiction majeure. Quand vous êtes un établissement équilibré ce n’est pas facile, alors imaginez quand vous êtes dans un établissement déficitaire, vous devez faire deux fois plus d’effort pour redresser la barre. On est simplement sous perfusion, on est quasiment au bord de la rupture de trésorerie. Si l’ARS ne nous donnait pas régulièrement des aides de trésorerie, on devrait fermer l’établissement. On en est là."
Une situation que connaissent 70% des EHPAD ligériens, eux aussi en déficit. Gérés par le Département, ces établissements peinent à sortir la tête de l’eau. Chaque année, ce sont 5 millions d’euros qui sont alloués, par le Département, à la santé. Malgré ce montant, la Loire n’est en charge que d’une très petite partie du système de santé. Et Yves Partrat, vice-président en charge de la santé, ne se fait pas d’illusion. Pour lui, la situation ne devrait pas s’améliorer d’ici les prochains mois.
"Il faut être réaliste. Nous, Département, on ne peut aider personne. Qu’est-ce qui peut diminuer la tension ? Une augmentation de la médecine de ville. A l’époque, de temps en temps, il y avait quelqu’un qui râlait en disant j’ai attendu 1 heure ou 2 heures dans les couloirs de l’hôpital. Aujourd’hui c’est 24 heures. De toute façon, on n’a pas le choix. Il faut passer le cap. Ça va se refaire progressivement, il ne faut pas non plus démolir le moral des gens. Mais la difficulté va être perceptible pendant 10 ans."
Vers qui se tourner ?
En 2023, les urgences de Saint-Étienne connaissaient une régulation. Il y a quelques mois, une unité psychiatrique a fermé au sein de l’établissement, et il est toujours compliqué de prendre rendez-vous avec un médecin traitant.
A la même période, SOS Médecins à Saint-Étienne refusait des patients. Ils étaient débordés. Aujourd’hui encore, l’équipe médicale est toujours complète dans ses plannings. "Nous sommes toujours saturés", explique Matthieu Thibault, vice-président de SOS Médecins Saint-Étienne. Mais alors vers qui les Ligériens peuvent se tourner en cas de problème ?
"Quand on a de la place en visite, de toute façon on a quand même les gens au téléphone. Donc soit ça relève d’une urgence et on voit que là, il ne faut pas attendre, on réoriente généralement sur le 15 qui lui va soit dire aux gens d’aller aux urgences, soit si c’est une vraie grosse urgence, ils vont se déplacer eux. Normalement, on ne donne pas la consigne d’aller aux urgences directement sauf quand c’est évident qu’il faut une radio ou une personne qui nous appelle et qui nous dit je suis tombé, j’ai quelque chose de cassé. Donc on les envoie sur les 3 urgences de Saint-Etienne. Mais, si ce n’est pas urgent, on leur dit de rappeler. On leur dit qu’il faut rappeler à 19 heures, ou le lendemain matin ou de réessayer avec le médecin traitant pour ceux qui en ont un."
En 2024, en France, sur un budget total de 816 milliards d’euros, 2 milliards étaient alloués à la santé. Soit moins de 1%.